La Commune de Paris : 30 avril — 6 mai 1871

Nous nous pro­po­sons de tenir au fil des semaines une chro­nique des évé­ne­ments de la Commune de Paris. Après, une pre­mière chro­nique qui explique la genèse de cet évé­ne­ment, nous sui­vons les péri­pé­ties semaine après semaine. Voici la 7ème semaine.

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Commune de Paris

Éphéméride 30 avril — 6 mai 1871

 

1871

Portrait du général Wroblewski

Général Wroblewski

Avril

Le 30 : La trêve obte­nue par les francs-maçons ne dure que le temps de leur recon­duite à Paris sur ordre de Thiers. Les bom­bar­de­ments reprennent, abî­mant les ban­nières que les frères avaient dis­po­sées sur les rem­parts.

Arrestation de Gustave Cluseret1, délé­gué à la Guerre, qui laisse dans un état désas­treux la situa­tion mili­taire. Il est rem­pla­cé par Louis Rossel qui élève au grade de géné­ral Walery Wroblewski, polo­nais (qui mour­ra à Ouarville en Eure-et-Loir en 1908). Ils réus­sissent à main­te­nir la posi­tion déses­pé­rée du fort d’Issy.

Napoléon Gaillard, « artiste chaus­su­rier », est nom­mé res­pon­sable de l’ensemble des bar­ri­cades et de leur construction.

Gustave Courbet  écrit à ses parents: « Paris est un vrai para­dis ! Point de police, point de sot­tise ».

Les affrontements de la Guillotière, Lyon, 30 avril 1871

Les affron­te­ments de la Guillotière, Lyon, 30 avril 1871

1er tour des élec­tions com­mu­nales en pro­vince. Des mou­ve­ments com­mu­na­listes conti­nuent à se produire :

  • À Thiers, la foule et les gardes natio­naux bloquent le sous-pré­fet, il doit rendre les jour­naux confis­qués. L’atmosphère est fes­tive, avec enfants et femmes : « Je suis une citoyenne… nous vou­lons nos droits, il faut main­te­nant que les riches paient, vive la Commune ! ». La mai­rie est occu­pée, le maire s’enfuit. Dans la nuit des ren­forts de troupes arrivent et mettent fin au mouvement.
  • Répression éga­le­ment de l’insurrection com­mu­na­liste de la Guillotière à Lyon et, là, avec des morts et 339 arrestations.

Mai

Le 01 : En réac­tion au désastre de la situa­tion mili­taire, un pre­mier Comité de salut public de 5 membres doté des pleins pou­voirs est élu par 45 voix contre 23.

Des élus de la mino­ri­té, Charles Beslay, Gustave Courbet, Gustave Lefrançais, Charles Longuet, Benoît Malon, Jules Andrieu, Arthur Arnould, Augustin Avrial, Jules Babick, Adolphe Clémence, Victor Clément, Eugène Gérardin, Langevin, Charles Ostyn, Jean-Louis Pindy, Paul Rastoul, Auguste Serraillier, consi­dèrent que « cette déci­sion aura pour effet essen­tiel de créer un pou­voir dic­ta­to­rial qui n’ajoutera aucune force à la Commune et consacre l’oubli des prin­cipes de réformes sociales d‘où est sor­tie la révo­lu­tion du 18 mars ». 

Dans l’église Sainte Elisabeth de Hongrie, Auguste Viard, Clovis Dupont, Bernard Landeck, Marguerite Prévost et quelques autres créent une suc­cur­sale du club qui se réunit déjà à l’église Saint Nicolas des Champs.

Le Journal Officiel pré­sente le rap­port de la com­mis­sion du tra­vail et de l’échange pro­po­sant la sup­pres­sion des monts-de-pié­té, pré­co­ni­sant « une orga­ni­sa­tion sociale qui donne au tra­vailleur des garan­ties réelles de secours et d’appui, en cas de chô­mage et de mala­die ».

Élie Reclus (frère d’Élisée), eth­no­logue, nom­mé direc­teur de la Bibliothèque Nationale prend ses fonc­tions, après avoir dû recou­rir aux ser­vices d’un ser­ru­rier pour péné­trer dans son bureau face à l’hostilité des biblio­thé­caires. Il « ne peut qu’exprimer des idées d’avenir sur le dépôt légal ou sur le rôle des biblio­thèques dans la culture popu­laire » (H.Dubief).

Portrait de Michel Chasles (1793-1880), mathématicien

Michel Chasles (1793–1880)

Le 02 : Abolition du ser­ment poli­tique que devaient prê­ter jusqu’alors les fonctionnaires.

Discours à l’académie des sciences : « … à côté de ces fau­teuils vides, nous avons vu avec plai­sir ceux occu­pés par les aca­dé­mi­ciens qui, fidèles à leur devoir, n’ont pas déser­té leur poste scien­ti­fique. […] À tous ceux-là, mer­ci. Quelles que puissent être leurs opi­nions poli­tiques, ils font preuve de patrio­tisme en conti­nuant leurs tra­vaux avec la même ardeur… ». Michel Chasles, le grand mathé­ma­ti­cien natif d’Épernon, 77 ans, est de ceux-là.

Courbet : « Je reçois des plaintes de toutes parts… de la Garde natio­nale… Dombrowski n’a que 1 200 hommes pour répondre aux 40 000 hommes de Versailles… Cela fait pitié… Ce sont tou­jours les mêmes qui luttent. Je les vois pas­ser de chez moi. Ils viennent de la Roquette et ils vont lut­ter à Montrouge. Pourquoi les gardes de Montrouge ne défendent-ils pas Montrouge ? »

La redoute du Moulin Saquet

La redoute du Moulin Saquet

Le 03 : Les Versaillais, aidés par une tra­hi­son enlèvent la redoute du Moulin-Saquet2, der­nier point stra­té­gique. 300 fédé­rés sont tués.

François Jourde pré­sente les comptes de la ville et les négo­cia­tions dif­fi­ciles de Charles Beslay auprès du gou­ver­neur de la Banque de France, celui-ci concé­dant au compte goutte quelques mil­lions : trom­pe­rie, mani­pu­la­tion, igno­rance, fri­lo­si­té, faute poli­tique ?3 Louise Michel appelle à enfon­cer « le pieu au cœur du vam­pire, la Banque ».

Dans l’église Sainte Marie des Batignolles, Blanche Lefebvre, blan­chis­seuse, par­ti­cipe à la créa­tion du club de la « Révolution Sociale ». Elle sera tuée à l’âge de 24 ans en com­bat­tant sur la bar­ri­cade des Batignolles le 23 mai.

Le 04 : Interdiction du cumul des salaires.

L’église Saint Ambroise est trans­for­mée en club révo­lu­tion­naire « Le Prolétaire » et en arse­nal par Augustin Avrial, direc­teur géné­ral du maté­riel d’artillerie.

Remise gratuite des objets engagés au Mont-de-Piété, Commune de Paris, 29 avril 1871Le 05 : Plusieurs jour­naux pro-ver­saillais sont inter­dits mais il en reste au moins 14 à cette date, alors que dans le même temps la presse pari­sienne pro-com­mu­narde ne peut être dif­fu­sée en province.

L’église Saint Eustache est trans­for­mée en club révo­lu­tion­naire auquel par­ti­cipe Anne-Marie Menans. Elle sera condam­née à la peine de mort le 16 avril 1872. Le curé de Saint Roch tente de s’opposer à la tenue d’une réunion dans son église.

Les Versaillais s’emparent de Clamart.

En Algérie, le bacha­ga El Mokrani est tué. [Lire notre article  La révolte kabyle et la Commune d’Alger]

Le 06 : Dans un éta­blis­se­ment du Ve arron­dis­se­ment, jusque là occu­pé par les Jésuites et pos­sé­dant tout un équi­pe­ment appro­prié, s’installe la pre­mière école d’enseignement pro­fes­sion­nel pour les gar­çons âgés de 12 ans et plus. Aujourd’hui, à cette adresse, se trouve l’École Normale Supérieure.

Concert au Tuileries, 6 mai 1871

Billet d’en­trée au concert des Tuileries, 6 mai 1871

Décret sur le Mont-de-pié­té pré­voyant le déga­ge­ment gra­tuit des objets d’une valeur de moins de 20 francs, décret qui fait de nom­breux mécon­tents dont Jean-Baptiste Clément « La Commune aurait dû aller plus vite et plus loin en ce qui concerne les monts-de-pié­té et dans bien d’autres domaines qui concernent les condi­tions de vie des classes populaires ».

L’Union des Femmes pour la défense de Paris et les soins aux bles­sés contri­bue acti­ve­ment à la mise en place des ate­liers qui doivent four­nir aux femmes du tra­vail à domi­cile. Son mani­feste est signé par Nathalie Le Mel, Aline Jacquier, Blanche Lefebvre, Marceline Leloup, et Élisabeth Dimitrieff.

Le club « Nicolas des Champs » (avec Pierre Bernard, Joseph Paysant, Paule Minck, Pierre Vésinier) œuvre pour une fédé­ra­tion des clubs existants.

Grand concert au Palais des Tuileries.

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  1. Nous ne don­nons de liens vers des bio­gra­phies détaillées que pour les com­mu­nards dont nous ne les avons pas déjà four­nis lors d’une pré­cé­dente éphéméride.
  2. Redoute du Moulin-Saquet, : ouvrage mili­taire de la cein­ture de forts à Vitry.
  3. https://www.cadtm.org/Pourquoi-la-Commune-de-Paris-s-est-arretee-aux-portes-de-la-Banque-de-France.