Après la Commune, décembre 1871

Après, une pre­mière chro­nique qui explique la genèse de cet évé­ne­ment, nous avons sui­vi les péri­pé­ties semaine après semaine. Depuis la 12ème chro­nique, nous sommes entrés dans l’Après Commune.

Nous nous pro­po­sons de conti­nuer à évo­quer dans les pro­chains mois les suites de cette révo­lu­tion vain­cue mais jusqu’à nous vivace dans les pen­sées de celles et ceux qui veulent chan­ger le monde.

La trêve de fin d’an­née 2022 nous donne la pos­si­bi­li­té de rat­tra­per notre retard des chro­niques de la Commune de Paris. Voici le mois de décembre 1871, à la fin duquel le natif de Chartres Aimé Acard est condam­né à la déportation.

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Commune de Paris

Après la Commune, décembre 1871

 

Octobre à décembre 1871

 

L’activité des conseils de guerre sera par­ti­cu­liè­re­ment intense au der­nier tri­mestre de 1871 et durant les deux pre­miers de l’année sui­vante. Près de 50 000 déci­sions de jus­tice, 93 condam­na­tions à mort, 251 tra­vaux for­cés, 1 169 dépor­ta­tions en enceinte for­ti­fiée, 3 417 à la dépor­ta­tion simple, 1 247 à la réclu­sion à per­pé­tui­té, 3 359 à des peines de pri­son, sans oublier 3 313 condam­na­tions par contu­mace, 2 445 acquit­te­ments et 22 727 ordon­nances de non-lieux, repré­sen­tant 70 % du total : par « res­pect des règles du droit et volon­té de dis­tin­guer ceux qui ont vrai­ment par­ti­ci­pé à l’aventure com­mu­narde des « autres ». Nulle dou­ceur dans tout cela, mais contrainte par l’engorgement des lieux de déten­tion où des per­sonnes décla­rées étran­gères aux faits ou inno­centes ont subi de longs séjours de plu­sieurs mois dans des condi­tions ter­rible ».

Retrouvez ici la chro­nique d’oc­tobre 1871 et celle de novembre 1871.

 

Décembre

 

Assaut de l'Hôtel de Ville de Saint-Étienne le 24 mars 1871

Assaut de l’Hôtel de Ville de Saint-Étienne le 24 mars 1871

Le 05 : 21 par­ti­ci­pants à la Commune de Saint-Étienne sont condam­nés à la dépor­ta­tion ou à la prison.

Le 15 : Depuis sa pri­son, le com­mu­nard Jean Trohel s’adresse à Victor Hugo et lui reproche d’avoir écrit, le poème publié dans Le Rappel  : « Les sol­dats cepen­dant ils ne sont pas méchants… ». Trohel enrage : « Pas méchants !…/ Eventrer des femmes et des enfants / Pêle-mêle entas­ser, dans la terre gla­cée / La tête morte avec celle où vit la pen­sée / Fusiller, mas­sa­crer, du matin jusqu’au soir / Ce n’est rien, c’est agir pour faire son devoir ! / Pas méchants ! ces ban­dits que la ter­reur escorte ! / Ô poète, est-ce toi qui parles de la sorte ? »

Le 16 : Procès de Louise Michel : «  Ce que je réclame de vous qui vous don­nez comme mes juges, c’est le champ de Satory où sont tom­bés nos frères… Si vous n’êtes pas des lâches, tuez-moi ! » Elle fait par­tie de ceux qui n’ont rien renié devant les tri­bu­naux. Condamnée à la dépor­ta­tion en Nouvelle Calédonie, elle y reste jus­qu’en 1880, date de l’am­nis­tie générale.

Camille Pissarro, « Révolte », 1889–1890

Camille Pissarro, « Révolte », 1889–1890 [© Musée Camille-Pissarro, Pontoise]

Camille Pissarro écrit à son fils : Je te prie de lire la défense de Louise Michel. C’est très remar­quable. Cette femme est extra­or­di­naire. Elle tue le ridi­cule à force de sen­ti­ment et d’hu­ma­ni­té.

Le 17 : Manifestation géante à New ‑York en hom­mage au trois mar­tyrs de la répu­blique uni­ver­selle fusillés à Satory.

Le 19 : Edmond Dehault de Pressensé — qui sera séna­teur inamo­vible — et plu­sieurs de ses col­lègues déposent la pro­po­si­tion d’am­nis­tie n°730 “concer­nant les indi­vi­dus pour­sui­vis ou condam­nés à la suite de l’in­sur­rec­tion du 18 mars 1871, qui n’ont pas dépas­sé le grade de sous-offi­ciers et qui ne sont accu­sés d’au­cun crime de droit com­mun ou d’au­cun fait déter­mi­né dans ladite insur­rec­tion”. Elle vise essen­tiel­le­ment les gardes natio­naux et demande leur remise en liberté.

Albert de Mun par Isidore Alphonse Chalot [détail]

Albert de Mun par Isidore Alphonse Chalot [détail]

Le 22 : Pour le capi­taine Garcin, inter­ro­gé lors de l’enquête par­le­men­taire sur l’insurrection du 18 mars, « ce qu’il y avait de plus mau­vais c’é­taient les enfants ; ils étaient impi­toyables, ils tiraient au moment où on venait les prendre, ils avaient des armes cachées. Il y a de ces petits misé­rables qui ont tiré à bout por­tant sur les offi­ciers… Pendant le com­bat, tous ceux qui étaient pris les armes à la main étaient fusillés ; il n’y avait pas de grâce ; tous ceux qui étaient Italiens, Polonais, Hollandais, Allemands étaient fusillés. ».

Le 23 : Albert de Mun, René Latour Du Pin Chambly et Maurice Maignien fondent à Paris l’œuvre des cercles catho­liques d’ouvriers. Ils étaient atter­rés par la cou­pure pro­fonde que la guerre, la Commune et sa répres­sion leur avaient révé­lée entre le peuple et la « classe riche ».

Le 24 : Émilie Noro est l’auteure du tout pre­mier article de presse consa­cré à Louise Michel, dont elle avait fait la connais­sance à la pri­son des Chantiers. Il paraît aujourd’hui dans L’Égalité de Genève.

Général Ladmirault par Richard Brend'amour, 1895-1896

Général Ladmirault par Richard Brend’amour

Le 28 : Arrêté éma­nant du Général de Ladmirault, gou­ver­neur de Paris : « Sont inter­dits notam­ment la mise en vente, l’exhibition et le col­por­tage des por­traits des indi­vi­dus pour­sui­vis ou condam­nés pour leur par­ti­ci­pa­tion aux der­niers faits insur­rec­tion­nels ». En effet, la dif­fu­sion des por­traits des com­mu­nards, ven­dus et expo­sés, qui devait contri­buer à contrô­ler les risques d’agitation les trans­forme en héros.

L’historien anglais Alistair Horne note que la répres­sion eut un impact ter­rible sur la classe ouvrière pari­sienne : « L’aspect de Paris chan­gea … La moi­tié des peintres en bâti­ment, la moi­tié des plom­biers, des cou­vreurs, des cor­don­niers et des zin­gueurs, dans la métal­lur­gie, dans le bâti­ment, dans l’habillement avaient dis­pa­ru. » Paris passe de 2 mil­lions en 1870 à 1 818 710 en 1872, avec une perte d’environ 100 000 ouvriers.

Le 29 : Le 19e conseil de guerre condamne Acard Aimé, natif de Chartres, à la dépor­ta­tion simple.