La Commune de Paris : 7 — 13 mai 1871

Nous nous pro­po­sons de tenir au fil des semaines une chro­nique des évé­ne­ments de la Commune de Paris. Après, une pre­mière chro­nique qui explique la genèse de cet évé­ne­ment, nous sui­vons les péri­pé­ties semaine après semaine. Voici la 8ème semaine.

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Commune de Paris

Éphéméride 7 — 13 mai 1871

 

1871

Mai

Le 07 : Second tour des élec­tions muni­ci­pales en province.

La Fonderie Brosse, à Grenelle, dans le XVe, est la seule entre­prise qui a pu effec­ti­ve­ment être réqui­si­tion­née par la Commune.

Le Prolétaire 10 mai 1871

Premier numé­ro du Prolétaire, 10 mai 1871

Le 08 : État de siège à Alger [voir notre article La révolte kabyle et la Commune d’Alger].

Adresse de Thiers aux Parisiens par voie d’affiche mys­té­rieu­se­ment pla­car­dée sur tous les murs : « Nous avons écou­té toutes les délé­ga­tions qui nous ont été envoyées, […] Le gou­ver­ne­ment qui vous parle aurait dési­ré que vous puis­siez vous affran­chir vous-mêmes… Puisque vous ne le pou­vez pas, il faut bien qu’il s’en charge, et c’est pour cela qu’il a réuni une armée sous vos mu […] si vous n’a­gis­sez pas, le gou­ver­ne­ment sera obli­gé de prendre, pour vous déli­vrer, les moyens les plus prompts et les plus sûrs. Il le doit à vous, mais il le doit sur­tout à la France. » 

Violente attaque des for­ti­fi­ca­tions de Grenelle à Passy ; à 19 h éva­cua­tion du fort d’Issy sous les balles, avec à sa tête le géné­ral fédé­ré Maxime Lisbonne. Il sera condam­né à la peine de mort.

La biblio­thèque Mazarine, diri­gée par Benjamin Gastineau, ouvre ses portes au public.

Le 09 : La sec­tion des Carrières de l’Internationale demande à la Commune de décré­ter « l’ins­truc­tion laïque pri­maire et pro­fes­sion­nelle, obli­ga­toire et gra­tuite à tous les degrés ».

À l’annonce de la red­di­tion du fort d’Issy, Louis Rossel, délé­gué à la guerre, démis­sionne : ses ordres n’ont pas été sui­vis. Unique offi­cier de car­rière à avoir rejoint la Commune, il sera condam­né à mort et exé­cu­té à Satory en novembre 1871.

Après de hou­leux échanges, un nou­veau Comité de salut public est élu. La liste de la majo­ri­té passe tout entière : Gabriel Ranvier, Armand Antoine Arnaud, Ferdinand Gambon, Émile Eudes, Charles Delescluze.

Les cours du Muséum d’histoire natu­relle reprennent.

Le comi­té de la Fédération des Artistes pré­sente à Édouard Vaillant, natif de Vierzon, délé­gué à l’Instruction publique, un rap­port pré­co­ni­sant des réformes dans l’ad­mi­nis­tra­tion des Beaux-Arts.

Le 10 : Delescluze rem­place Rossel comme délé­gué à la guerre. Édouard Moreau, deve­nu son chef du cabi­net déclare  ” ayant à peine le temps d’a­gir, je n’ai pas le temps d’é­crire ; qui vou­dra connaître le pro­gramme regar­de­ra les actes. Salut et fra­ter­ni­té”. Dénoncé le 24, conduit à la cour mar­tiale du Châtelet, il sera fusillé à la caserne Lobau et néan­moins condam­né par contu­mace à la déportation !

Clemenceau, fon­da­teur avec d’an­ciens maires de la Ligue d’union répu­bli­caine des droits de Paris, tente de négo­cier et part pour le congrès des muni­ci­pa­li­tés à Bordeaux qui est inter­dit par le gou­ver­ne­ment Thiers. Il ne pour­ra reve­nir à Paris qu’en juin.

Premier numé­ro du Prolétaire, jour­nal du club du même nom : il réclame que les élus ‘’cessent leurs par­lottes’’, qu’ils arrêtent de perdre du temps à pro­mul­guer des décrets qui ne sont pas appliqués.

Parmi les membres de la nou­velle com­mis­sion ins­ti­tuée « pour veiller aux inté­rêts de l’art musi­cal et des artistes » : Joan Peter Selmer, com­po­si­teur norvégien.

Traité de Francfort, 10 mai 1871

Édition à 10 c du trai­té de Francfort

Signature du Traité de Francfort : perte de l’Alsace et une par­tie de la Lorraine, ver­se­ment de 5 mil­liards d’in­dem­ni­tés. Le rapa­trie­ment des 400 000 pri­son­niers emme­nés en Allemagne a com­men­cé dès mars pour ren­for­cer les troupes versaillaises.

Le 11 : Décret sur la démo­li­tion de l’hôtel par­ti­cu­lier d’Adolphe Thiers: mise à dis­po­si­tion de tout le linge de la mai­son pour les ambu­lances de la Commune, envoi des objets d’art et livres pré­cieux aux biblio­thèques et musées natio­naux. Pour l’avoir signé, Ferdinand Gambon héri­te­ra d’une condam­na­tion à 20 ans de tra­vaux forcés.

Suppression de 5 jour­naux pro ver­saillais. Jules Vallès écrit dans l’Insurgé : « Je suis d’avis que, même dans le brou­ha­ha du canon et en pleine sai­son d’émeute, on devrait per­mettre aux mouches d’imprimerie de cou­rir à leur guise sur le papier, et je vou­drais que le Figaro, qui long­temps me lais­sa libre, le fût aus­si ». Néanmoins, les publi­ca­tions inter­dites peuvent repa­raître quelques jours plus tard du fait de la totale liber­té lais­sée pour la fon­da­tion d’un journal.

À l’école secon­daire Turgot, réqui­si­tion­née, dont les élèves sont d’origine bour­geoise, éclate une véri­table émeute anti com­mu­na­liste contre laquelle 14 élèves seule­ment protestent.

Concert aux tui­le­ries avec Rosa Bordas, la grande chan­teuse popu­laire : vêtue d’un péplum blanc, elle déve­loppe len­te­ment un dra­peau rouge dont elle s’enveloppe en chantant.

A l’église Saint Bernard de La Chapelle, le Club Bernard, le club aux 3 000 membres, dont Louise Michel et Théophile Ferré, tient ses assises ce 21 flo­réal an 79.

Le 12 : Édouard Vaillant signe un avis sur la créa­tion d’une école pro­fes­sion­nelle d’art indus­triel pour jeunes filles. Complétant l’instruction scien­ti­fique et lit­té­raire, on doit y ensei­gner le des­sin, le mode­lage, la sculp­ture sur bois, sur ivoire et, en géné­ral, les appli­ca­tions de l’art du des­sin à l’industrie. Il fait appel aux pro­fes­seurs mais aus­si aux ouvriers de plus de 40 ans qui dési­rent être maîtres d’apprentissage.

Carte de consommation La Marmite 1871Plus de défaillances! Plus d’incertitudes! Toutes au com­bat! Toutes au devoir!”, exhorte Nathalie Le Mel au club de la Délivrance. Cette libraire, ouvrière-relieuse, mili­tante et fémi­niste a créé avec Eugène Varlin le res­tau­rant coopé­ra­tif La Marmite en 1868 : il fonc­tionne durant toute la Commune et comp­te­ra jusqu’à 8000 adhérents.

Dans l’église Saint Leu, 8 com­mu­nards créent le club Leu. On entend constam­ment dans les clubs de 1871 : « Tous les riches doivent y pas­ser » ; « il faut faire rendre gorge aux richards ». C’est qu’il ne s’a­git là que d’une mau­vaise bour­geoi­sie, celle des « bour­geois béats ». Ils sont à ran­ger dans la classe, la caté­go­rie plus géné­rale des « para­sites ».

Discussion de l’arrêté sur les com­mandes d’uniformes que Léo Frankel recom­mande de pas­ser à des asso­cia­tions ouvrières : « La Révolution du 18 mars a été faite exclu­si­ve­ment par la classe ouvrière. Si nous ne fai­sons rien pour cette classe, nous qui avons pour prin­cipe l’égalité sociale, je ne vois pas la rai­son d’être de la Commune. »

Démolition de la maison de Thiers [1871]

Démolition de la mai­son de Thiers

Le 13 : Démolition de l’hôtel par­ti­cu­lier de Thiers, dit « Foutriquet ». Un square public le remplacera.

Les ins­pec­teurs et les ins­pec­trices des écoles pri­maires sont révoqués.

Une par­tie du décret concer­nant les mar­chés de la Commune ordonne que les cahiers des charges des entre­prises doivent indi­quer « le prix mini­mum du tra­vail à la jour­née ou à la façon à accor­der aux ouvriers et ouvrières char­gés de ce tra­vail » et favo­rise les asso­cia­tions ouvrières en leur don­nant « la pré­fé­rence » pour l’adjudication des tra­vaux de la Ville.

Une mani­fes­ta­tion d’une cen­taine de femmes se rend à l’Hôtel de Ville pour deman­der des armes. En réponse à l’affiche inter­pel­lant les gardes natio­naux de la 12e Légion, son colo­nel «  heu­reux et fier d’avoir à enre­gis­trer un pareil dévoue­ment, a pris la déci­sion sui­vante : la pre­mière com­pa­gnie des citoyennes volon­taires sera immé­dia­te­ment orga­ni­sée et armée… Ces citoyennes mar­che­ront à l’ennemi avec la Légion… » Un des rares exemples où la Commune recon­naît aux femmes un sta­tut de com­bat­tantes à part entière.

À l’église Saint Bernard de La Chapelle, le club de la Révolution pro­pose de fusiller un otage par jour tant que Blanqui ne sera pas libéré.

Prise du fort de Vanves par les Versaillais.